Deux fois par semaine,
il passait avec sa charette attelée de sa jument,
transportant la source de notre chaleur,
le charbon, sous forme de "coques",
petite boules noires.
Je l'attendais, et me voyant à la fenêtre,
il me faisait signe de sa main,
grosse, rêche et douce à la fois,
une main de travailleur d'autrefois.
je descendais quatre à quatre l'étage,
et il me hissait comme un fétu de paile
sur la banquette en bois à ses cotés.
Et me tendant les rênes, il envoyait
un gros YAR ! HUU!!
et tout se mettait en mouvement.
Petit bout d'homme tout heureux
que j'étais à faire le tour du quartier,
derrière ce cheval si obéissant,
depuis remplacé par des chevaux vapeurs sans vie,
ni reconnaissance, et ni amour.
Ses livraisons terminées, il me redéposait
devant l'immeuble, et je le regardais s'éloigner
me faisant des signes de la main.
jusqu'à l'extinction du bruit des sabots sur les pavés.
Dans l'attente de la prochaine fois.
Ah, j'aimerais aussi pouvoir le dire.
Mais c'est le tourments des jeunes. ils n'ont pas de mémoire. Pas vécu les changements de ce monde. ils arrivent en plein chamboulement, quand on les voudrait à mille lieues d'ici, quand on aurait besoin de rester entre adultes pour se comprendre. Ah ces jeunes. On n'a pas vécu ça, non. On a vécu le reste, ce qu'on nous a laissé. La neige boueuse, les gaz d'échappements, l'informatique au lieu du papier. Voila. Non, on ne sait pas ce que c'est.